Tristan, quasi un demi-siècle à façonner l’argile, presque depuis l’enfance, elle qui est née au bord d’un lac, à Versoix près de Genève, et qui toute petite déjà s’amusait à malaxer cette terre si malléable des bords de l’eau. Une enfance un peu sauvage, au goût de la nature où l’école n’est point son amie jusqu’à ses seize ans.
Puis sa rencontre avec Aline Favre qui, de l’utilitaire à la sculpture, est une des figures de proue du renouveau de la céramique en Suisse. Une rencontre si décisive pour Tristan qu’elle intègre les Beaux-Arts puis, durant quatre ans, la section céramique de l’illustre école des Arts Décoratifs de Genève.
De quoi se forger un métier; la chance de croiser la route d’un maître en la matière, Philippe Lambercy ; un enseignement fécond, théorique et pratique, les deux pieds ancrés dans la réalité d’un atelier de céramique ; la formation d’un oeil critique; pendant plusieurs années, la pratique de la terre en atelier thérapeutique auprès de patients d’un hôpital psychiatrique; puis, en 1971, son atelier personnel installé en France, dans un village de Drôme provençale.
Grès et porcelaine, Tristan travaille ces deux matières pour leur cuisson à haute température, pour leurs émaux pénétrant profondément le tesson, pour leur solidité faite de terre et d’émail mêlés. D’abord, comme au Japon, des cuissons à 1300°C au bois, et depuis 1992 des cuissons au gaz mais toujours ce jeu de la flamme avec la matière où même avec le savoir et l’expérience, au-delà des résultats attendus, chaque cuisson donne son lot de surprises.
Céramique inspirée de la nature, influencée par les saisons, quasi viscérale dont le mouvement originel, que Tristan travaille au tour ou à la plaque, est celui de tirer la terre vers le ciel, spontané, rapide, un travail dans l’élan vers le haut que les mains de Tristan impriment à chacune de ses œuvres. La terre palpite entre ses doigts et les gestes s’esquissent librement jusqu’à ce qu’une ébauche de pièce surgisse et enchante, ensuite il ne s’agit plus que de la travailler, la déformer, et la retravailler encore, jusqu’à son achèvement.